Les expériences difficiles de la jeunesse

Enquête nationale sur l’expérience d’être jeune réalisée par la Fondation Neuvoies – Extrait des résultats et enseignements – Mars 2025
- En juin 2023 a eu lieu à Paris une Fabrik à Déclik réunissant une centaine de personnes intéressées par le thème de la jeunesse. Des jeunes adultes, invités à raconter leur jeunesse, ont alors témoigné de leurs difficultés, des blocages et des empêchements qu’ils ont rencontrés.
- L’aventure de l’Intention, une initiative multi-acteurs, est née de cette prise de conscience.Pendant l’année 2024, des ateliers de partages d’expérience ont permis de recueillir une quarantaine d’expériences de jeunesse difficiles. Celles-ci donnaient à comprendre les situations rencontrées par ces jeunes, et certaines compétences psychosociales qui semblaient leur avoir manqué. Fin 2024, nous avons lancé la présente étude, cette fois quantitative, sur “l’expérience d’être jeune”. Nous espérons que ses résultats, qui confirment nos intuitions, aideront à créer de nouvelles conditions pour une jeunesse épanouie
- Cette enquête comporte des données représentatives sur la typologie des difficultés que rencontrent les jeunes de 6 à 18 ans, leurs besoins en compétence psychosociales, mais aussi leurs réussites. Etude niveau national, sur un panel de la société d’études Bilendi, auprès de jeunes de 18 à 30 ans. Terrain réalisée en Novembre et décembre 2024. 467 réponses retenues.
Extraits de témoignages relatifs à une situation vécue de rejet/intolérance ou de harcèlement
Habillement, look …
· J’ai subi du harcèlement scolaire à partir de la sixième. Je me retrouvais seule, et je me souviens surtout des phrases qu’on me disait : « Ouais, t’es bizarre, ta vie n’est pas intéressante, t’es pas bien sapée », parce que je n’avais pas de marque. (…) Je n’étais plus un enfant heureux. Je n’osais plus faire ce que je voulais, parce que je suis quelqu’un de créatif. Donc, être soi c’était pas possible, parce qu’ils considéraient ça comme inadapté.
· J’ai subi du harcèlement scolaire de la primaire jusqu’au début du lycée car je m’habillais « pauvrement ».
Maladie
· Ayant une fluorose dentaire, j’ai essuyé plusieurs moqueries de la part d’autres élèves, ce qui a rabaissé le peu d’estime de moi-même et de confiance. Encore aujourd’hui, j’ai du mal avec mon image et j’ai toujours l’impression d’être moins bien que les autres. Je pense que je n’ai pas réussi à passer outre et ces situations m’ont induit un blocage.
· Je suis atteint de dyspraxie (j’utilisais un ordinateur en cours dès le collège, ce que je devais constamment expliquer). En plus de cela, sur le plan personnel j’avais beaucoup de soucis émotionnels qui se traduisaient même par de l’énurésie (ce qui me plongeait dans un cercle vicieux où toute ma confiance en moi se délitait). Avec l’adolescence s’est accentuée ma honte de moi-même et le rejet par les autres s’est fait plus violent. Je sentais mes parents démunis, j’avais parfois l’impression d’être une cause perdue.
Aspect corporel
· J’ai été harcelée de la 6eme à la 3eme car j’étais très grande et ronde. Je me faisais frapper, insulter ou encore cracher dessus. J’ai commencé à fumer et j’ai commencé à sécher les cours jusqu’à complètement décrocher, puis arrêter l’école.
· J’étais régulièrement humiliée verbalement et parfois physiquement de la 6eme à la 4eme. J’étais plus maigre et plus grande que tout le monde, très taiseuse et très seule. … J’ai développé une phobie scolaire et sociale, et j’étais convaincue que j’étais laide, nulle et pas sociable.
· Pendant la grande majorité de mon adolescence, je ne me sentais pas bien dans mon corps et j’étais souvent moquée et ostracisée à cause de mon apparence (embonpoint, lunettes, cheveux frisés…). J’allais souvent au collège dans l’angoisse et j’étais sur la défensive, même avec ceux qui étaient « mes amis ».
· J’ai vécu beaucoup de rejet car j’étais ronde et je me suis toujours sentie différente des autres. J’ai vécu du harcèlement sexuel lors de ma première année de collège, sans être soutenue par ma famille et encore moins par mes camarades. L’agresseur a été viré du collège mais pour les camarades c’était de ma faute. J’en garde encore beaucoup de séquelles. Le harcèlement scolaire a diminué au lycée et a fini en terminale car j’ai perdu 30 kilos ; sans ça je pense que je me serai faite insulter tout le long de mon parcours scolaire.
Refus comportement différent
· J’ai 19 ans aujourd’hui, et j’ai été rejetée par ma classe une partie de ma 3e et en seconde. On me critiquait car j’aimais les cours et n’avait pas les mêmes habitudes que les autres. J’ai fini par apprendre à rester seule mais ça a impacté ma confiance en moi et ma façon de m’ouvrir aux autres.
Âgisme
· Je me suis toujours faite harceler par rapport à mon âge, du CE1 à la 3ème. Comme j’avais un an d’avance et que j’étais plus jeune que les autres, les autres aimaient bien se moquer de moi. J’ai eu beaucoup de harcèlement durant toute cette période, et donc pas beaucoup d’amis. On me rejetait.
Homophobie
· J’ai été harcelé moralement et un peut physiquement de la 6eme jusqu’à la 3eme. Je n’étais vraiment pas bien dans ma peau, j’en pleurais souvent. Quand les professeurs voyaient ce qu’il se passait, il n’y avait pas d’action, je me sentais donc rejeté par les élèves et par les adultes, qui normalement doivent êtres compétents là-dessus. De plus, j’ai découvert petit à petit que j’étais gay et ça a empiré mon stress et mon mal être.
Racisme
· Un épisode qui m’a marquée, c’était en quatrième. C’était le moment où on étudiait l’esclavage, donc c’était déjà assez douloureux. Ce sont des expériences horribles, et cette personne qui était mon amie faisait des blagues dans la classe en disant par exemple : « quand on éteint la lumière pour regarder des documentaires, on la voit plus, et tout. » Donc tout le monde rigole et c’était tout le temps comme ça, des piques, alors que c’était mon amie. Et je pense que ce qui m’a le plus marquée aujourd’hui, c’est ma passivité. Je regrette énormément de choses, parce que je ne voulais pas passer pour le rabat-joie de service. Je me disais : « mais tout le monde rigole, si je commence à m’indigner… «
Les enseignements de l’enquête
- Les expériences difficiles sont la règle plutôt que l’exception :
- seuls 17% des répondants ont observé que les jeunes de leur génération n’ont rencontré aucun obstacle ou difficulté dans leur enfance ou adolescence.
- A titre personnel, seuls 11% n’ont vécu aucune expérience difficile dans leur jeunesse.
- L’idée de créer un programme sur les CPS est bien reçue par 84% des répondants.
- Les années collège & lycée, sont les moments principaux des difficultés pour les jeunes.
- 4 expériences difficiles touchent chacune près d’1 jeune sur 2 (Perdre sa confiance en soi ; Ne pas arriver à déstresser, à se reposer ; se sentir rejeté d’un groupe ; avoir des difficultés à s’orienter dans sa vie).
- 95% des répondants ont conscience d’avoir eu des capacités manquantes dans leur jeunesse (en moyenne 3).
- Les expériences difficiles ont un impact durable : 75% des répondants estiment que l’expérience difficile qu’ils ont racontée a encore un impact aujourd’hui dans leur vie.
- Les expériences de progrès sont aussi une réalité : 98 % des jeunes disent en avoir vécu. Mais 3 sur 10 disent en avoir vécu peu, très peu ou aucune.